- POPULISME (États-Unis)
- POPULISME (États-Unis)POPULISME, États-UnisLe populisme, qui marque profondément la conscience et la politique américaines, naît à la fin du XIXe siècle. Alors que la société américaine est en plein développement économique, et que certains accumulent des fortunes en quelques années, des millions d’Américains vivent dans la pauvreté. Dans les villes en pleine croissance, les ouvriers (dont des centaines de milliers d’enfants) habitent des taudis, travaillent dans des conditions insalubres et touchent des salaires misérables pour des semaines de travail qui atteignent couramment soixante heures. Dans les campagnes, les fermiers voient leur niveau de vie s’effondrer: alors que les prix agricoles ne cessent de baisser, les produits manufacturés augmentent constamment, au moment même où l’agriculture se mécanise. Spéculation foncière et tarifs des chemins de fer contribuent à aggraver le sort des ruraux qui ne trouvent d’issue que dans l’emprunt, lequel les met en situation de dépendance à l’égard des banques. Ouvriers et paysans s’organisent, sans que jamais, ou rarement, leurs luttes se rejoignent pour obtenir la satisfaction de leurs revendications réciproques. Le populisme reste donc, en cette fin de XIXe siècle, un phénomène essentiellement rural. Il touche surtout les régions de l’Ouest et du Sud. Il est l’apogée d’un mouvement d’organisation essentiellement dirigé contre les banques et les compagnies de chemins de fer. Le populisme est précédé par la création en 1867 de groupements professionnels, qui abordent rapidement le domaine politique: les Granges. Ces sortes de guildes paysannes, qui regroupent près de 800 000 adhérents dès 1875, revêtent une forme coopérative: création de banques, d’assurances, de fabriques de matériel agricole, voire d’organismes de commercialisation de la production. Politiquement, les Granges obtiennent l’élection de majorités qui leur sont favorables dans les assemblées locales de l’Iowa, de l’Illinois, du Minnesota et du Wisconsin. C’est à partir de cette base politique qu’elles vont tenter de faire passer des lois interdisant la pratique des tarifs ferroviaires discriminatoires. Les succès qu’elles obtiennent à cet égard seront largement limités par l’interprétation restrictive que la Cour suprême fera de la loi. Mais la dépression postérieure à 1873 détruit la solidarité entre des fermiers dont les intérêts — étant donné leurs récoltes spécialisées différentes — étaient parfois divergents et ruine pour l’essentiel les diverses coopératives mises en place. Mais, après 1888, la dépression s’aggrave et des dizaines d’organisations sont fondées, qui se regroupent en alliances (il existe même une alliance noire, la Colored Alliance). Une révolte paysanne contre les banques et les chemins de fer semble en gestation, alors que les alliances tentent vainement (sauf auprès des démocrates du Sud) de se faire entendre des partis traditionnels. En 1890, elles franchissent le pas et créent leur propre parti, le parti du peuple, le parti populiste. Son programme, qui n’est pas socialiste (la libre entreprise n’est pas supprimée), est cependant très radical. Il exige notamment la nationalisation des chemins de fer, l’impôt progressif sur le revenu, la frappe libre et illimitée de l’argent (contre la monnaie rare qui augmentait le coût des emprunts). Politiquement, le nouveau parti réclame le vote secret (Australian ballot ), l’élection des sénateurs au suffrage universel et le droit de référendum. Bien qu’il ait demandé de meilleures conditions de travail pour les ouvriers, la grande faiblesse du populisme sera son incapacité à établir la jonction avec le mouvement ouvrier, pourtant en pleine révolte, lui aussi. James Weaver, candidat à la présidence du parti populiste, réussit cependant à obtenir un million de voix (sur 12 millions de suffrages exprimés) aux élections de 1892. Le parti obtient 1,5 million de suffrages aux élections législatives de 1894 (et élit 7 représentants). C’est le chant du cygne du populisme. En effet, le parti se saborde, pour l’essentiel, en 1896, lorsque le Parti démocrate reprend l’une de ses revendications essentielles (le bi-métallisme avec frappe libre de l’argent) et nomme un candidat favorable à cette politique, William Jennings Bryan. Le parti populiste se rallie à cette candidature, mais c’est l’échec. La défaite de Bryan est à la fois la défaite du populisme (dont beaucoup de membres rejoignent définitivement le Parti démocrate) et celle de l’Amérique rurale devant l’Amérique industrielle. Bien des revendications populistes finiront cependant par être adoptées et par passer dans la loi.
Encyclopédie Universelle. 2012.